Le prix Smith-Wintemberg n’est pas attribué de façon régulière. Il est décerné à des individus ayant apporté une contribution d’exception, au cours de leur vie, à l’archéologie canadienne. Il s’agit de la distinction la plus élevée que puisse décerner l’ACA. Lorsque le bureau exécutif reçut la proposition d’attribuer le prix au Dr William J. Byrne, celle-ci fut approuvée à l’unanimité.
Ce que Bill a apporté à l’archéologie ne correspond peut-être pas tout à fait à la définition de notre profession ; au contraire, à tous points de vue, ses contributions sortent de l’ordinaire. La carrière de Bill, et son génie, ne tiennent pas tant à ses recherches de terrain ou aux rapports de recherche qu’il a rédigés – bien qu’il ait cependant payé de sa personne dans ce domaine au début de sa carrière. Mais celle-ci a pris une autre direction, et les Canadiens dans leur ensemble, et les Albertains en particulier, devraient lui en être reconnaissants.
Bill est né et a été élevé dans le sud de l’Alberta. En entrant à l’Université de Calgary, il eut vite fait de s’intéresser au département d’archéologie qui venait d’y être créé. Sous la direction de ses mentors, Richard Forbis et Scotty MacNeish, Bill a fouillé, avec Barney Reeves, quelques-uns des sites classiques de précipices à bisons du sud de l’Alberta, y compris le site paléo-indien de Fletcher, et celui de Head-Smashed-In. MacNeish, devant les talents remarquables de Bill, lui conseilla de sauter le programme de maîtrise pour intégrer directement les études doctorales dans une grande université américaine. Bill fut accepté à Yale où il termina son doctorat en 1973. Un professeur d’archéologie de Yale m’a dit un jour que deux des meilleurs étudiants qu’il ait jamais eus étaient canadiens : Bruce Trigger et Bill Byrne.
Après Yale, Bill déménagea à Ottawa où il intégra l’équipe de la Commission archéologique du Canada. Il y créa un programme consacré aux Plaines, qui était bien nécessaire, et mena d’importants sondages et relevés en Saskatchewan et en Alberta. Mais son séjour à la Commission archéologique fut de courte durée, car il fut ramené en Alberta par ce qui dut lui paraître comme la chance de sa vie.
En effet, c’est à un âge relativement jeune qu’il devint le directeur de l’Archaeological Survey of Alberta [Commission archéologique de l’Alberta] et il ne tarda pas à en faire l’organisme le plus influent, et le plus respecté je pense, des instances consacrées à l’archéologie au Canada. Lorsque Bill arriva à l’Archaeological Survey of Alberta, il n’y disposait que d’un bureau, un classeur et une secrétaire. En moins d’une décennie, il en avait fait un organisme qui comptait près de vingt-cinq personnes, y compris cinq chercheurs archéologues, un directeur de recherche, un chercheur spécialisé en paléoenvironnement, un analyste de la faune et un directeur de collections, une section entière consacrée à la planification, du personnel de soutien, des secrétaires, des véhicules, et une montagne d’outils de terrain de la meilleure qualité.
Plus important, il y eut la Loi sur les ressources historiques [Historical Ressources Act] de la Province de l’Alberta, qui était alors, et est toujours, considérée comme une référence en matière de législation sur le patrimoine, non seulement au Canada et en Amérique du Nord, mais partout dans le monde. Parmi ses nombreuses stipulations significatives, aucune sans doute n’est plus importante que celle qui décrète que toutes les ressources archéologiques et paléontologiques de l’Alberta sont la propriété de la Couronne. Affirmer l’importance d’une telle loi n’a rien d’exagéré : si vous découvrez un squelette de tyrannosaure dans le Dakota du Sud, la propriété en sera disputée devant les tribunaux durant des années, mais il est fort probable que ces ossements finiront par être mis aux enchères et acquis par quelque millionnaire qui les conservera dans un lieu privé. La même découverte en Alberta vous vaudra les remerciements du Ministre et le squelette sera exposé dans un musée où des millions de visiteurs auront la joie de le voir et d’en apprendre quelque chose. Si cette dernière conception de la conservation du patrimoine correspond à la vôtre, c’est Bill Byrne que vous devez remercier.
C’est avec quelque peu d’appréhension que Bill s’éleva dans la chaîne de commandement du gouvernement – ou, comme le dit Jim Wright, qu’il monta jusque là où l’air se raréfie. C’est dans son rôle d’adjoint au sous-ministre, puis plus tard de sous-ministre du ministère responsable de la Culture qu’il apporta ses contributions les plus durables à la conservation du patrimoine et au développement de ce secteur. La Province de l’Alberta est réputée pour avoir le système le plus étendu et exhaustif de sites d’interprétation historique destinés au grand public de tout le Canada ; ce qui est moins connu, c’est que presque tout ce réseau fut constitué grâce à la détermination de Bill et aux orientations qu’il a données. Depuis les postes de traite, ouverts seulement de manière saisonnière, avec des sentiers et une signalisation des plus simples, jusqu’aux grands musées qui se consacrent à tous les domaines, depuis les moteurs diesel jusqu’aux dinosaures, Bill a monté une flotte de 18 sites patrimoniaux de grande ampleur en Alberta. Les plus réputés d’entre eux sont le Royal Tyrrell Museum of Palaeontology, qui accueillera son dix-millionième visiteur cette année, et le précipice à bisons de Head-Smashed-In qui a déjà eu plus de deux millions de visiteurs.
À ce jour, les installations historiques dont Bill est à l’origine ont accueilli quelque 15 millions de membres du grand public – 15 millions de personnes qui en sont ressorties en ayant une meilleures appréciation de ce qu’est notre patrimoine et de l’importance de le préserver. Du point de vue du bureau exécutif de l’ACA, c’est une contribution qui surpasse les travaux de terrain et les rapports de recherche auxquels se consacrent tant d’entre nous.
Bill a apporté d’autres contributions, innombrables, au patrimoine canadien, trop nombreuses pour être énumérées ici. Mais je serais impardonnable si je ne mentionnais pas les services que Bill a rendus à notre organisation. Il a été président de l’ACA et a consacré de nombreuses années à travailler et à plaider avec énergie et diligence pour la promulgation d’une législation sur le patrimoine au niveau fédéral. C’est grâce aux efforts de Bill qu’il y a vingt ans, le Parlement a voté de justesse la loi fédérale sur le patrimoine.
Bill, félicitations pour ce beau travail, et pour cette belle carrière. Le patrimoine de cette province et de ce pays se porte mieux aujourd’hui, grâce aux efforts que vous lui avez consacrés toute votre vie.
C’est un grand honneur pour moi que de remettre le Prix Smith-Wintemberg de l’Association canadienne d’archéologie au Dr William J. Byrne, pour ses distingués services.
Jack W. Brink
Président sortant, ACA