Le prix Smith-Wintemberg est décerné aux membres de la communauté des archéologues canadiens qui ont apporté une contribution exceptionnelle à l’avancement de la discipline de l’archéologie et à notre connaissance du passé archéologique du Canada. Ce prix, la plus haute distinction de notre association, est attribué selon les années, au mérite, en reconnaissance d’accomplissements ou de services remarquables. Cette année, le prix Smith-Wintemberg, selon le vote unanime du bureau exécutif, est attribué au Dr. James Tuck.
Ce que l’archéologie nous permet de savoir de la fascinante histoire ancienne de Terre-Neuve et du Labrador, nous le devons aux efforts de James Tuck plus qu’à toute autre personne. En effet, son travail est d’une telle importance qu’il nous a amenés à reconsidérer fondamentalement notre compréhension des premiers habitats européens dans l’est du Canada – datant d’une époque qui, avant l’arrivée de Jim, semblait perdue dans les brumes d’un temps où ne subsistaient que les exploits des grands explorateurs.
Jim a commencé sa carrière universitaire à l’Université de Syracuse dans l’État de New York où il a suivi ses études de premier cycle avant d’obtenir, en 1968, son doctorat d’anthropologie. Ses recherches sur les Iroquois Onondaga ont placé la barre très haut pour ses travaux ultérieurs, et la photographie de la maison longue qu’il a impeccablement fouillée à Howlett Hill est dorénavant un incontournable des manuels d’archéologie au Canada et à l’étranger.
Entré en 1967 au Département d’anthropologie de l’Université Memorial de Terre-Neuve, il a commencé à transformer l’idée que nous nous faisions de la culture à Terre-Neuve et au Labrador en nous montrant que cette région, loin d’être un trou perdu, avait été le théâtre, durant des milliers d’années, d’un extraordinaire cortège d’interactions et de développements. Ses premiers travaux portaient sur des questions de culture préhistorique, et dévoilaient l’histoire des Amérindiens de l’Archaïque maritime dans des sites de premier plan tels que Port-au-Choix, ainsi que l’histoire culturelle des anciens Paléoesquimaux à la baie Saglek. Lorsque Bob McGhee s’est joint aux membres de la faculté de l’Université Memorial en 1972, tous deux se sont lancés dans l’exploration de la côte sud du Labrador et ont défini ce qu’était la tradition de l’Archaïque maritime dans cette région. En cours de route, ils ont porté à l’attention du monde le plus ancien tertre funéraire des Amériques, ce qui signale chez ces deux hommes leur façon de considérer le public comme une partie prenante essentielle de la finalité de l’archéologie. À cette époque, Jim a rédigé deux livres grand public sur la préhistoire de Terre-Neuve, du Labrador et des Maritimes – livres qui ont eu du succès, non seulement auprès du grand public, mais aussi auprès de ses condisciples dans tout le Canada.
Par la suite, Jim a apporté d’énormes contributions à l’archéologie historique. En faisant converger fouilles archéologiques méticuleuses, recherches en archives et collaborations entre chercheurs, son travail d’avant-garde à Red Bay a mis en lumière la vigueur de l’industrie baleinière des pêcheurs basques du XVIe siècle au sud du Labrador. À nouveau, son souci de toucher et d’éduquer le public faisait tout autant partie de son travail que les nombreuses publications savantes qui en ont résulté.
Parcs Canada ayant établi un centre d’interprétation à Red Bay, Jim se lança dans de nouvelles recherches à l’autre bout de la province, plus près de St.-John’s, où il commença à mettre au jour un village du XVIIe siècle à Ferryland et à documenter l’histoire de la colonie d’Avalon. Ses fouilles archéologiques à Ferryland ont été spectaculaires, au-delà de toutes attentes. Chaque fois que Jim présentait ses travaux lors des réunions de l’ACA, la salle était bourrée à craquer et nous restions bouche bée devant la façon dont il alliait l’archéologie et la recherche archivistique pour ramener à la vie une histoire si importante. Mais les travaux de Jim à Ferryland sont allés bien au-delà de la norme en matière d’engagement universitaire. Jim a eu un rôle essentiel dans la création de la revue Avalon Chronicles, organe de communication entre chercheurs spécialistes de l’histoire coloniale ancienne et de l’archéologie dans l’est de l’Amérique du Nord. Mais le plus impressionnant, ce sont ses efforts inlassables de développement et d’interprétation du site pour le bénéfice du public et de la communauté locale. Il existe à Ferryland un musée florissant que Jim a créé et auquel il a fourni ses pièces exposées, tout en continuant à travailler sur le site.
Les contributions exceptionnelles de James Tuck à l’archéologie et à l’histoire canadiennes ont été reconnues par sa nomination à la Société royale du Canada, le fait qu’il ait reçu le prix Manning (pour l’excellence dans la sauvegarde des lieux historiques) de la Newfoundland Historical Society’s Heritage Award, son obtention de la chaire Henrietta Harvey à l’Université Memorial et le fait qu’il se soit vu décerner la médaille de l’Ordre de Terre-Neuve et du Labrador. Jim, c’est avec un grand plaisir que l’ACA ajoute le prix Smith-Wintemberg à la liste de ces honneurs. Je vous prie de vous joindre à moi pour saluer l’extraordinaire carrière de James Tuck.
Jack Brink
Thunder Bay
16 mai 2009